Les contrats de mariage

Afin d’expliciter l’objet de cet article, nous rappellerons qu’un contrat de mariage est un acte juridique, établi par les deux époux devant un Notaire, visant à définir leurs relations patrimoniales et le sort de leurs biens pendant le mariage.
En d’autres termes, un contrat de mariage est la « règle du jeu » que les époux vont définir entre eux au début de leur mariage précisant l’organisation de leur patrimoine, et le droit de propriété que chacun pourra avoir sur des biens, mais aussi la charge des dettes qu’ils pourront contracter pendant la durée du mariage.
Nous allons donc tout d’abord préciser quand et sous quelle forme le contrat de mariage doit être établi, puis nous intéresser au contenu du contrat de mariage et aux différents types de régimes matrimoniaux, et enfin nous évoquerons rapidement les quelques clauses qui peuvent être ajoutées à un contrat de mariage en dehors du choix pur et simple d’un régime matrimonial.
1 / Quand et comment établir un contrat de mariage ?
Un contrat de mariage, en tant que tel, doit être établi AVANT le mariage. Cet acte doit être établi par acte Notarié impérativement. Le Notaire recevra les deux époux et déterminera avec eux leurs souhaits quant à l’organisation de leur patrimoine et leurs revenus durant leur mariage, établira l’acte et leur délivrera un certificat qui devra être joint au dossier de mariage remis à la Mairie.
Ce certificat précise UNIQUEMENT qu’un contrat de mariage a été établi et ne donne aucune information sur son contenu, qui reste confidentiel entre les époux.
A noter que pour le cas où aucun contrat de mariage n’a été établi avant le mariage, il est toujours possible de déterminer l’organisation des biens et du patrimoine entre les époux par la suite, au travers d’une procédure de CHANGEMENT DE REGIME MATRIMONIAL. Il est toutefois préférable de rencontrer un Notaire avant le mariage pour évoquer les questions liées au régime matrimonial, la procédure de changement de régime matrimonial étant plus coûteuse et plus complexe que l’établissement d’un contrat de mariage, et est plutôt réservé à un souhait des époux, au cours de leur vie, de modifier leur organisation patrimoniale afin d’augmenter la protection qu’ils souhaitent se conférer l’un à l’autre.
Enfin, et avant d’entrer dans le vif du sujet, on notera que le choix d’un régime matrimonial, s’il peut avoir des conséquences en matière successorale, n’est pas le choix des modalités de réglement d’un héritage ou d’une succession. Une consultation complémentaire avec un Notaire concernant la transmission de votre patrimoine en cas de décès s’impose afin de coupler le choix d’un contrat de mariage avec d’autres actes permettant de faire valoir vos dernières volontés.
2 / Le choix du régime matrimonial
a . Doit on établir un contrat de mariage ?
Etablir un contrat de mariage, c’est avant tout choisir un REGIME MATRIMONIAL, une règle commune qui déterminera le sort des biens acquis ou des dettes souscrites par chacun des époux pendant le mariage.
L’établissement d’un contrat de mariage est facultatif et, à défaut de contrat, les époux se trouveront soumis au régime dit « légal » de la communauté d’acquêts (ou « réduite aux acquêts » comme le disent la plupart des gens).
b. Qu’est ce que le régime légal ?
De manière schématique et sans entrer dans le détail, en l’absence de contrat de mariage, l’ensemble des biens acquis après le mariage seront communs aux deux époux, et il en sera de même pour leur revenus (salaires, produits d’épargnes, loyers etc), alors que tous les biens dont ils étaient propriétaires avant le mariage leurs restent propre.
A titre d’exception à cette règle, les biens qui pourraient être recueillis par succession ou donation par chacun des époux leurs restent également propres.
Concernant les dettes, les dettes souscrites par l’un ou l’autre des époux pendant le mariage et considérées comme nécessaires à l’entretien du ménage ou à l’éducation des enfants entrent également à la charge de la communauté et sont donc partagées par moitié entre les époux, à l’exception des emprunts et des dépenses manifestement excessives.
A noter que cette présentation du régime légal se veut volontairement succinte et exclut des exceptions et des questions de droit plus pointues qui seraient parfaitement superfétatoires au vu de l’objet traité dans cet article. N’hésitez pas à consulter votre Notaire pour de plus amples informations et obtenir des précisions sur le régime légal.
c . Quel autre régime matrimonial peut-on adopter dans un contrat de mariage ?
Le droit français prévoit que dans le contrat de mariage, les époux déterminent entre eux les modalités de propriété et de gestion de leur patrimoine personnel et commun. En pratique donc, on peut en déduire qu’il n’existe pas plusieurs types de contrat de mariage, mais une infinité, les époux pouvant déterminer de leur plein gré l’organisation qui leur conviendra le mieux dans la gestion de leurs biens.
On peut toutefois catégoriser deux grandes familles de régimes matrimoniaux : les régimes dits « communautaristes » et les régimes dits « séparatistes », que nous évoquerons successivement. Dans une dernière sous partie nous verrons que ces deux familles ne sont pas exclusives l’une de l’autre et que la volonté des époux a toute sa place dans l’aménagement du régime matrimonial. Nous évoquerons également rapidement le régime dit de participation aux acquêts.
Les régimes séparatistes
Pour de multiplies raisons, les futurs époux peuvent souhaiter conserver chacun une gestion indépendante de leurs patrimoines.
Il est tout à fait envisageable en conséquence de prévoir dans le contrat de mariage que chacun des époux restera seul propriétaire de ses revenus, pourra acquérir ou vendre seul des biens pour son compte personnel et souscrire toutes dettes et emprunts sans le concours de son conjoint.
Loin d’être le signe d’une vision individualiste de l’union matrimoniale, la volonté de protéger son conjoint d’une faillite pour un entrepreneur libéral, ou de conserver un patrimoine clairement individualisé afin de garantir les droits successoraux de ses enfants dans une famille recomposée peut parfaitement justifier le souhait pour chacun des époux d’être libres de gérer leurs patrimoines respectifs, sans pour autant s’interdire de pouvoir investir ensemble dans un patrimoine commun sous le régime de l’indivision ou au travers de sociétés qu’ils pourraient constituer entre eux.
Les régimes séparatistes, dont l’exemple principal est celui du régime de la séparation de biens dit pure et simple, permettent donc de prévoir dans le contrat de mariage que les époux demeureront « financièrement célibataires » et pourront donc se constituer et gérer un patrimoine personnel sans que leur conjoint ait besoin d’intervenir.
A noter que la limite de ces régimes reste que les époux doivent toujours prioritairement affecter leurs revenus au paiement des charges du ménage et aux dépenses nécessaires à l’éducation des enfants avant de pouvoir investir pour leur compte personnel.
Les régimes communautaristes
A l’opposé des régimes dits séparatistes, les époux peuvent au contraire considérer que leur union de couple doit être totale tant sur le plan personnel que financier, et peuvent ne pas se contenter du régime de communauté « légale » et vouloir mettre tout en commun. Dans cette hypothèse, un contrat de mariage contenant adoption d’un régime de communauté dite « universelle » pourra permettre d’intégrer à la communauté l’ensemble des biens des époux, qu’ils aient été acquis avant ou après le mariage, et qu’ils proviennent ou non de successions, donations ou autres.
On notera toutefois que ce type de régime est le plus souvent adopté lors de changements de régimes matrimoniaux, permettant ainsi aux époux, par l’ajout de diverses clauses, de se garantir la propriété de la totalité des biens du couple au décès du premier des époux.
La place de la volonté dans l’établissement du contrat de mariage
Après avoir évoqué les régimes matrimoniaux « extrêmes » (séparation de biens pure et simple dans laquelle les époux conservent la propriété de leurs biens respectifs et communauté universelle dans laquelle les époux mettent tout en commun), on notera qu’il est parfaitement possible de trouver une solution intermédiaire, et dans ce cas la volonté des époux trouvera toute sa place.
Prenons un exemple : Marc vient de terminer ses études de vétérinaire et envisage d’ouvrir sa propre clinique. Un bonheur n’arrivant jamais seul, il s’apprête à épouser Sophie qui, quant à elle, a une activité salariée en tant que secrétaire de direction. Jean-Marc est bien évidemment inquiet car son Notaire lui a fort bien expliqué que s’il lance son activité après le mariage et qu’il ne fait pas de contrat, alors en cas de divorce Sophie pourrait lui réclamer une indemnité égale à la moitié de la valeur de son entreprise, puisque cette entreprise constitue un bien commun.
En outre, l’amour qu’il porte à sa femme fait qu’il s’inquiète d’une éventuelle action en responsabilité d’un patient s’il commettait une faute professionnelle, qui pourrait entrainer des dettes à la charge de son épouse.
Toutefois, les époux répugnent à établir une séparation de biens, car ils estiment que leur couple doit mettre l’argent en commun.
En pratique dans ce cas, il est tout à fait possible dans le contrat de mariage de prévoir que la communauté comprendra certains biens (les biens immobiliers acquis pendant le mariage, les revenus du travail des époux, les produits de leur épargne etc etc) mais que la clinique de Jean-Marc sera exclue de cette communauté et restera lui appartenir personnellement.
En quelque sorte, il est possible de prévoir une « bulle commune » au sein d’un régime séparatiste ou au contraire une « bulle séparatiste » dans un régime de communauté.
N’hésitez pas à échanger longuement avec votre Notaire sur vos souhaits afin que ce dernier puisse établir LE contrat de mariage qui vous correspondra parfaitement.
La participation aux acquêts
En conclusion de cette présentation des différents régimes, nous évoquerons rapidement (et donc avec quelques imprécisions) le régime de participation aux acquêts. Dans ce régime matrimonial, les époux déterminent au moment de leur mariage chacun le patrimoine dont ils sont propriétaires (appelé patrimoine originaire), puis au cours du mariage tout se passe entre eux comme s’ils étaient séparés de biens.
Lors de la dissolution du mariage, les époux établiront un état de leur patrimoine au jour de la fin de leur mariage (appelé patrimoine final), et il sera procédé à un calcul de l’enrichissement de chacun au jour de la dissolution du mariage (la différence entre le patrimoine originaire et le patrimoine final).
A cette occasion, l’époux qui se sera le plus enrichi sera débiteur envers son conjoint d’une somme appelée « créance de restitution » visant à rétablir l’écart d’enrichissement entre les époux.
Ce régime a pour mérite d’être parfaitement équitable et d’assurer qu’aucun des époux ne sera lésé tout en permettant de vivre le mariage commune séparation de biens. Son défaut essentiel est la grande complexité à le liquider, dans la mesure où l’établissement du patrimoine originaire et du patrimoine final nécessitent une grande précision de gestion tout au long du mariage afin d’établir des calculs exacts. En conséquence il n’est que très peu utilisé.
3 / Quelques clauses du contrat de mariage extérieures au régime matrimonial
L’établissement d’un contrat de mariage peut, en dehors du choix d’un régime matrimonial, être également l’occasion de prévoir des avantages dont chacun des époux pourra profiter, notamment en cas de décès.
Usuellement, il est possible de prévoir notamment :
- des facultés d’attribution de certains biens en cas de décès et de partage d’une succession par préférence aux autres héritiers,
- l’intégration à une communauté d’un bien qui appartenait en propre à l’un des époux, également appelée clause d’ameublissement,
- ou encore la possibilité pour l’un des époux de devenir propriétaire, avant le règlement de la succession de tel ou tel bien avant même que la succession soit réglée et par préférence à tous autres héritiers (clause de préciput).
Enfin, on notera qu’il est possible d’intégrer une donation entre époux (également appelée dans le langage commun « donation au dernier vivant ») dans le contrat de mariage, mais que cette pratique n’est que très peu usitée. En effet l’un des avantages de la donation entre époux est que, s’agissant d’un acte testamentaire, il est possible de la révoquer à tout moment, alors que la donation entre époux incluse dans un contrat de mariage est irrévocable. Il est donc fortement conseillé d’établir votre donation entre époux par un second acte établi par votre notaire après le mariage (cet acte portera sur tous les biens dont vous serez propriétaire au jour de votre décès, il peut donc être établi dès le mariage et ne nécessite aucune modification pendant la durée de votre mariage).
Cette dernière partie était volontairement succincte, ces clauses additionnelles nécessitant un échange approfondi avec votre Notaire avant d’être insérées afin de correspondre parfaitement à votre volonté. Ce développement avait essentiellement pour but de démontrer que l’établissement d’un contrat de mariage, s’il a pour but essentiel de déterminer l’organisation de votre vie patrimoniale durant votre mariage, peut également permettre d’avantager votre conjoint en prévision du règlement d’une succession.
Votre Notaire demeure à votre disposition pour vous conseiller et vous aiguiller à l’occasion de l’heureux évènement que constitue votre mariage, mais aussi tout au long de votre vie afin d’adapter votre régime matrimonial à l’évolution de votre patrimoine et de votre situation personnelle ou professionnelle !