Le mandat de protection future
Au 1er janvier 2025, on dénombre environ 600.000 personnes âgées de plus de 90 ans. Selon le site sante.gouv, parmi ces personnes, près de 40% présentent une maladie neurodégénérative (Alzheimer, Parkinson et maladies apparentées) impliquant un état de dépendance. Ces chiffres illustres l’ampleur du défi de faire face au vieillissement de la populaire.
En tant que partenaire des familles, le Notaire est souvent confronté, à l’occasion de la vente d’un bien ou le règlement d’une succession à une personne atteint d’une telle pathologie. Or, un tel état implique nécessairement la mise en place d’une mesure de protection (habilitation familiale, tutelle, curatelle).
Toutefois, afin d’éviter les délais des tribunaux et anticiper d’éventuels conflits familiaux, il est possible de mettre en place un mandat de protection future.
1°) Qu’est-ce que le mandat de protection future ?
Introduit par la loi du 5 mars 2007, le mandat de protection future est un acte juridique qui permet à une personne (le mandant) de désigner à l’avance un ou plusieurs mandataires (famille, proche, professionnel) pour veiller sur ses intérêts personnels (santé, logement) et/ou patrimoniaux (comptes, biens) en cas d’incapacité future (maladie, accident, vieillesse).
2°) Pour qui le mandat de protection future peut-il être conclu ?
Le mandat de protection future peut être conclu pour soi
Celui-ci peut être signé par toute personne majeure ou mineure émancipée, ne faisant pas l'objet d'une mesure de tutelle, curatelle ou d'une habilitation familiale, dans le but de faire gérer son patrimoine ou sa personne par une ou plusieurs personnes pour le jour où elle ne sera plus capable de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés.
Le mandat de protection future peut également être conclu pour autrui
Cela renvoie au cas du mandat signé par les parents d’un enfant mineur sur lequel ils exercent l’autorité parentale ou d’un enfant majeur dont ils ont la charge matérielle et affective au moment de la signature du mandat. Cet enfant doit être atteint d’une altération de ses facultés l’empêchant d’exprimer sa volonté. Ce type de mandat doit obligatoirement être rédigé sous forme notariée et il ne s’ouvre qu’au décès des parents ou dès lors qu’ils sont incapables d’assurer leur mission.
3°) Comment fonctionne la mise en place d’un mandat de protection future ?
La mise en place d’un mandat de protection future se fait en trois étapes :
Première étape : La conclusion du mandat de protection future
La personne conclue avec son ou ses futurs représentants un contrat indiquant les pouvoirs du mandataire et l’étendue de ses fonctions.
Le mandat de protection future peut être réalisé soit par acte sous signature privée, soit par devant Notaire.
Le mandat de protection future notarié permet de confier au mandataire des pouvoirs étendus puisque celui-ci pourra faire des actes patrimoniaux importants comme vendre un logement.
En outre, en cas de perte, le notaire peut délivrer une copie du mandat notarié.
A noter que le mandat pour autrui est obligatoirement notarié.
Tant que le mandat a toutes ses facultés, le mandat ne produit aucun effet. Il peut alors être modifié ou révoqué à tout moment. Corrélativement, le mandataire peut encore renoncer à sa mission.
Deuxième étape : L’établissement d’un certificat médical
Lorsque le mandant voit son état de santé se dégrader, ne lui permettant plus de subvenir à ses intérêts seul, le mandataire devra le faire examiner par un médecin agréé auprès de la Cour d’appel. Le médecin délivre alors un certificat médical constatant la perte de capacité.
Troisième étape : La mise en œuvre du mandat de protection future
Le mandataire doit alors présenter le mandat de protection future et le certificat médical au Tribunal judiciaire du domicile du mandat. Après vérification, le greffier appose son visa sur le mandat et le restitue au mandataire qui peut alors le mettre en œuvre.
Le mandat, lorsqu’il est notarié, doit alors faire l’objet d’un dépôt au rang des minutes du Notaire.
Le mandataire a enfin réalisé un inventaire du patrimoine de la personne protégée et prévenir les différents organismes (banques, caisses de retraite, sécurité sociale, mutuelle, etc) de la mise en œuvre du mandat de protection future.
Quatrième étape : Le contrôle des comptes
Dans le cadre d’un mandat de protection future notarié, le mandataire doit établir tous les ans des comptes de gestion et les présenter au Notaire pour vérifier.
4°) Qui peut être mandataire et quelle est l’étendue de sa mission ?
Tout personne peut être désignée comme mandataire. Il peut s’agir d’un proche ou d’un professionnel inscrit sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Il est également possible de nommer plusieurs mandataires, ainsi qu’un mandataire de substitution (en cas d’empêchement ponctuel du mandataire).
Il est conseillé de nommer au moins deux mandataires, un principal et un second en cas de défaut ou renonciation du premier.
De même, en présence d’une fratrie, il est recommandé de prévoir une cogérance. Ainsi, les actes de la vie courante pourront être réalisés indépendamment par l’un des mandataires cependant que les actes graves (vente d’un bien, placement en EHPAD, etc) devront nécessiter une majorité ou l’accord unanime des mandataires.
Enfin, il est possible de nommer des mandataires différents selon les intérêts à protéger (un mandataire pour les biens personnels et un mandataire pour les biens professionnels).
Quel qu’elle soit, la mission du mandataire doit-être rédigée avec beaucoup d’attention. En effet, la moindre incertitude pourra entraîner des difficultés dans la mise en œuvre du mandat. Aussi est-il conseillé de prendre rendez-vous avec un Notaire pour encadrer les pouvoirs et l’étendues de la mission du ou des mandataires.
5°) Quel est le coût d’un mandat de protection future ?
Le coût d’un mandat de protection future est d’environ 315,00 €.
Une fois mis en œuvre, le contrôle des comptes de gestion, chaque année, devant notaire varie entre 300 et 800,00 €.
6°) En cas de difficulté dans l’application du mandat de protection future, quels sont les recours possibles ?
En cas de difficulté dans l’exécution du mandat, tout intéressé peut saisir le juge des contentieux. Le juge peut aller jusqu’à prononcer la révocation judiciaire du mandat de protection future.
La responsabilité du mandataire peut être mise en cause en cas de mauvaise exécution, d’insuffisance ou de faute dans l’exercice de sa mission. S’il est reconnu responsable d’un préjudice, il peut être condamné à indemniser le mandant ou ses héritiers.
Afin d’éviter tout contentieux afférent à la mise en œuvre, il est conseillé au mandant de préparer de son vivant un « guide de gestion » indiquant tous les éléments personnels et patrimoniaux permettant de faciliter la mise en œuvre en cas de perte de capacité (habitudes alimentaires et en matière de santé, informations sur le patrimoine, etc).
Conclusion : Pourquoi y recourir ? Quels avantages et inconvénients par rapport aux mesures de protection judiciaire (habilitation familiale, tutelle, curatelle) ?
Pour résumer, le mandat de protection future est un outil d’anticipation. A cet égard, les avantages du mandat de protection future sont les suivantes :
- Un outil d’anticipation : Il permet d’éviter la mise en place d’une mesure d’habilitation familiale, tutelle ou curatelle, souvent perçue comme intrusive.
- Une mise en œuvre rapide : En moyenne, le délai pour obtenir une tutelle est d’environ 6 mois à partir du dépôt de la demande auprès du juge. Compte tenu de l’augmentation du nombre de dossiers, ces délais risquent probablement de s’allonger à l’avenir. A l’inverse, le mandat de protection future prend effet très rapidement, dès lors que la personne vulnérable a été examiné
- Possibilité de réaliser un mandat « à la carte » : Le mandat de protection future permet une grande liberté, tant quant au choix du ou des mandataires, que l’étendue de leurs missions. De plus, lorsqu’il est accompagné d’un guide de gestion, la mise en œuvre se trouve faciliter en évitant des situations d’incertitudes ou de conflits.
Toutefois, le mandat de protection future présente également des inconvénients :
- Le coût : contrairement à une mesure de protection judiciaire, gratuite, le mandat, lorsqu’il est notarié entraîne à la fois un coût lors de sa conclusion et chaque année, lors du contrôle de gestion ;
- Certains actes restent soumis à autorisation judiciaire : C’est le cas de la vente du logement principal ou secondaire qui requiert en toutes hypothèses l’accord du juge (article 426 du Code civil).