SEMCreated with Sketch.

Le partage judiciaire

Le partage judiciaire, c’est un peu comme une bataille de fratrie… avec un juge en guise de médiateur ! Quand tout le monde veut la plus grosse part du gâteau familial (ou de la maison de grand-mère), le juge débarque pour couper les parts. Il met de l’ordre dans ce joyeux chaos et s'assure que personne ne repart avec juste les miettes. C’est l’art de rendre la justice tout en distribuant les parts… sans trop de bagarres (en théorie) !

Photo évoquant le partage
AdobeStock_186923550

Que désigne le « partage judiciaire » ?

Lors d’une succession, d’une dissolution de société, ou encore d’une séparation impliquant des biens communs, il arrive parfois que les indivisaires ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la répartition des biens. Et, si l’indivision peut perdurer pendant une durée indéterminée, il arrive fréquemment qu’une mésentente surgisse et qu’un des indivisaires puisse sortir de cette indivision.

Or, on rappelle que selon un célèbre adage juridique « nul n’est censé demeurer dans l’indivision contre sa volonté ».  Dans ces conditions, un des indivisaires peut à tout moment saisir le tribunal pour que le juge décide de la répartition de façon équitable, c’est le « partage judiciaire ».

Le partage judiciaire suit :

  • D’une part les règles générales du partage énoncées aux articles 815 et suivants du Code civil ;
  • Et d’autre part, les règles spécifiques du partage judiciaires énoncées aux articles 1359 et suivants du Code civil.

 

Quels sont les avantages et inconvénients d’un partage judiciaire ?

Le partage judiciaire présente certains inconvénients :

  • Tout d’abord, en cas de désaffection importante, la procédure peut s’avérer longue, voire très longue (plus de 3 ans dans certains cas de figure), en particulier en cas de conflits intenses, chacun cherchant à tirer la couverture vers soi ;
  • Ensuite, le partage judiciaire peut entraîner un coût important (frais d’avocat, frais de commissaire de justice, frais d’expertise pour l’évaluation des biens, frais d’actes notariés, etc) ;
  • Par ailleurs, la procédure peut entraîner une certaine frustration des parties, en particulier lorsqu’en l’absence d’accord sur l’attribution lot, un tirage est réalisé.

Cependant, passer par une procédure de partage judiciaire permet certains avantages, notamment la certitude d’obtenir un partage équitable prenant en compte tous les aspects juridiques (soultes, indemnités, etc).

 

Qui peut demander un partage judiciaire ?

En présence d’une situation d’indivision bloquée, l’article 815-1 du Code civil énonce que n’importe quel indivisaire peut solliciter le partage judiciaire. Il s’agit pour ainsi dire :

  • Dans le cadre d’une succession : de n’importe quel héritier ou légataire universel ou à titre universel ;
  • Dans le cadre d’un divorce : d’un des époux ;
  • Dans le cadre d’une séparation entre concubins ou partenaires de pacs : d’un des concubins ou partenaires ;
  • Dans le cadre d’une liquidation d’une société : d’un des associés.

 

Toutefois, d’autres personnes peuvent demander en justice le partage des biens, notamment les créanciers de l’indivision ou d’un indivisaire particulier. En effet, la loi ne permet pas de saisir la part qui revient à un coïndivisaire tant que le partage n’a pas eu lieu.

Ainsi, la loi a prévu ce dispositif afin de sauvegarder les droits des créanciers face à un coïndivisaire indélicat qui souhaiterait échapper à son créancier en ne sollicitant pas un partage.

Comment solliciter un partage judiciaire ?

La seule façon de demander un partage judiciaire consiste à saisir le tribunal judiciaire par assignation. Dans ces conditions, la représentation par un avocat est obligatoire.

Toutefois, la procédure de partage judiciaire ne peut être demandée que si elle a été précédée d’au moins une tentative de conciliation.

A défaut d’apporter la preuve de cette tentative dans l’assignation, l’action en justice pourra être déclarée irrecevable. 

 

Comment fonctionne la procédure de partage judiciaire ?

La première étape du partage judiciaire consiste en une saisine du tribunal judiciaire. A ce sujet, le tribunal compétent est celui du lieu de situation du bien. A ce stade de la procédure, le magistrat peut décider de nommer un notaire pour réaliser un projet de partage.

Dans le cadre de cette procédure particulière, le rôle du Notaire n’est pas celui qui lui est habituelle attribué. En effet, le Notaire n’agit plus pour le compte des parties mais agit comme le bras droit du juge, en sa qualité d’expert en droit. Son rôle consiste alors :

  • D’une part, dressé un état des forces et charges du patrimoine à partager ;
  • Et d’autre part, proposer des solutions de répartition.

Le Notaire remet alors un projet de liquidation-partage. A partir de l’établissement de cet état liquidatif, il existe plusieurs possibilités de clôture de la procédure :

  • L’accord de parties sur le projet de partage : Le Notaire établit l’acte de partage qui est alors signé par les Parties. Le Notaire en informe le juge qui constate la clôture de la procédure.
  • Le désaccord de parties sur le projet de partage : Le Notaire transmet au juge le projet de partage avec un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties. Le juge statut alors sur les désaccords subsistants et réalise une attribution des lots :
    • Soit conformément aux projets proposés par le Notaire ;
    • Soit par un tirage au sort en cas de mésentente sur les lots.

En cas d’impossibilité d’aboutir à une répartition des biens en nature (manque de financement de la part d’un coïndivisaire par exemple), le juge pour prononcer la vente des biens afin que le produit de la vente soit partagé entre les coïndivisaires.

 

Qui est le notaire choisi dans le cadre d’une procédure de partage judiciaire ?

Dans le cadre d’une procédure de partage judiciaire, la désignation d’un notaire ne s’impose pas au tribunal. En d’autres termes, c’est, en principe, aux parties qu’il revient de se mettre d’accord pour choisir le notaire qui devra procéder aux opérations de liquidation et partage.

Toutefois, généralement, ces procédures étant particulièrement tendues, c’est le magistrat qui désignera un notaire, soit directement soit en sollicitant la chambre des notaires afin qu’elle en désigne un.

Rappelez-vous toujours que, même si le tribunal nomme un notaire pour procéder aux opérations de partage, une partie peut choisir de faire intervenir le notaire de son choix pour la représenter.

 Le notaire désigné ne peut pas refuser la mission qui lui est attribuée, sauf cas exceptionnel (par exemple lorsque le notaire commis est connu d’une des partie). En pratique, dans un souci d’impartialité, le tribunal (ou la chambre) récusera le notaire commis pour motif légitime et désignera d’office un autre notaire afin de dépassionner le débat.

De même, les coïndivisaires pourront à l’unanimité demander la désignation d’un autre notaire.

En cas d’impossibilité pour le notaire de réaliser sa mission, il pourra être récusé par le tribunal à la demande d’une partie. Le changement de notaire se fait alors par ordonnance.

 

Quel est le rôle du Notaire dans la procédure de partage judiciaire ?

Dans le cadre d’un partage judiciaire, lorsqu’un notaire est commis pour procéder à la liquidation et au partage d’une indivision, il agit comme un auxiliaire du juge. Sa mission est globale et consiste :

1°) A réaliser une estimation des biens à la date la plus proche du partage ;

2°) A réaliser un inventaire des forces et charges de l’indivision à la date la plus proche du partage ;

3°) A réaliser un compte d’administration sur les sommes perçues et réglées par les coïndivisaires à la date la plus proche du partage ;

4°) A établir une masse partageable à la date la plus proche du partage ;

5°) A déterminer les droits et comptes de chacune des parties ;

6°) A composer des lots

7°) Et enfin proposer un projet d’attribution des lots.

Toutes ces étapes sont rapportées dans un document appelé état liquidatif.

Chacune de ces étapes nécessitent un travail complexe et long en relation avec chacune des parties à la procédure. De plus, le Notaire commis doit respecter les règles de la procédure civile et en particulier le respect du contradictoire.

Lors de cette phase, le Notaire peut tenter de conseiller et concilier les parties et porter des appréciations d’ordre juridique. Toutefois, le Notaire ne peut en aucun cas trancher un litige sur le fond. Cela reste le rôle du juge.

 

Comment être certain que le Notaire n’omette pas un bien dans l’état liquidatif ?

Si la plupart des éléments nécessaires à l’établissement de l’état liquidatif est généralement fourni par les parties (copie d’actes, relevés de comptes, etc), le Notaire dispose d’outils efficaces pour réaliser sa mission, parmi lesquels :

  • L’accès au Service de la publicité foncière : fichier immobilier permettant de retrouver tous les biens et/ou droits immobiliers au nom d’une personne ;
  • L’accès au fichier central des dispositions de dernières volontés : base de données créer par le notariat français permettant de connaître l’existence de dispositions testamentaires ou à cause de mort (reconnaissance paternité par exemple) ;
  • Le fichier des comptes bancaires (FICOBA) : Fichier recensant les comptes bancaires ouverts en France au nom d’une personne ;
  • Le fichier des contrats d’assurance-vie : Fichier recensant les contrats de capitalisation, les contrats d’assurance-vie ou placements de même nature en France au nom d’une personne, ouverts après 2004 et dont le montant est supérieur ou égal à 7.500,00 €. 

Le notaire peut également réaliser également des recherches sur certaines bases de données publiques s’il l’estime nécessaire (Bodacc, Google, Infogreffe, Pappers, etc).

Ce travail de recherche, indispensable pour réaliser la mission confiée par le tribunal, permet de récupérer les éléments nécessaires à l’établissement de l’état liquidatif.

Toutefois, il faut garder à l’esprit qu’un notaire ne possède pas de don d’omniscience et sa meilleure arme pour reconstituer un patrimoine consiste à interroger les parties. Il ne faut donc pas hésiter à communiquer tout élément au Notaire.

 

Puis-je demander l’attribution de certains biens déterminés au Notaire ?

En principe, le Notaire réalise sa mission de manière objective. Toutefois, en pratique, le Notaire, lorsque les opérations de partage se déroule dans un climat apaisé, peut convenir avec les parties de l’attribution d’un immeuble, d’un véhicule ou encore d’un fonds de commerce à la partie qui en fait la demande.

Ces attributions se font alors toujours dans le respect d’un partage équitable.

Dans un contexte tendu, ces « attributions privilégiées » ne peuvent être réalisées qu’en l’existence de clause d’attribution préférentielle (clause spécifique prévue par le Code civil permettant à une partie d’obtenir l’attribution d’une partie qui en fait la demande à des conditions spécifiques).

 

Combien de temps le Notaire dispose-t-il pour réaliser sa mission ?

Pour établir sa mission, le notaire dispose d’un délai d’un an à compter de sa désignation pour dresser un projet de partage. Dans certains cas complexes, ce délai pourra être suspendu voire prorogé.

En pratique, il arrive malheureusement que le notaire dépasse le délai d’un an sans demander de prorogation et sans que le juge ne demande d’explication sur le retard. Toutefois, un Notaire ne retarde pas le traitement d’un dossier sans raison.

 

Qu’est-ce que le Notaire peut faire en cas de blocage ou d’inertie de la procédure ?

Dans ces conditions, lorsqu’un dossier comporte des complexités spécifiques, en sa qualité de bras armé du tribunal, le Notaire dispose d’un panel de moyens pour permettre de réaliser la procédure dans un délai raisonnable. Il peut notamment :

  • Demander à se faire communiquer certains éléments par une partie sous peine d’astreinte, en particulier lorsque cette dernière refuse la communication de certains éléments (informations bancaires par exemple) ;
  • Solliciter l’aide d’un expert (pour valoriser un bien particulier telle qu’une société, un fonds de commerce ou encore un bien immobilier) ;

Toutefois, le Notaire ne peut réaliser aucune de ces démarches sans l’accord des copartageant. Et c’est parfois sur ce point qu’une procédure peut prendre davantage de temps que prévu.

 

Qui paie les frais d’un partage judiciaire ?

Les frais d’un partage judiciaire comprennent :

  • Les frais d’avocat réglés par leurs clients respectifs ;
  • Les frais de notaires pour la réalisation de sa mission, réglés par chacune des parties au partage au prorata de leurs droits. Ces frais sont tarifés de manière réglementaire. Des honoraires exceptionnels peuvent être convenus avec les clients.
  • Les différents droits et taxes réglés par chacune des parties au prorata de leurs droits.